Gaza: frappes meurtrières sur Rafah
Israël a libéré lundi deux otages détenus à Rafah lors d'une opération commando nocturne accompagnée de frappes meurtrières sur cette ville du sud de la bande de Gaza. Des centaines de milliers de civils palestiniens y ont trouvé refuge.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a salué une opération de sauvetage "parfaitement exécutée" et "l'une des plus réussie de toute l'histoire" d'Israël.
Il a aussi répété sa détermination à poursuivre "la pression militaire jusqu'à la victoire complète" sur le mouvement islamiste palestinien, dont Rafah est le "dernier bastion", pour libérer "tous nos otages".
M. Netanyahu a récemment ordonné à l'armée de préparer une offensive sur cette ville du sud de Gaza, où sont massés, selon l'ONU, 1,4 million de Palestiniens ayant fui la guerre qui fait rage depuis quatre mois entre Israël et le Hamas. La perspective d'un assaut terrestre suscite de vives inquiétudes à l'étranger.
Pendant la nuit, les forces israéliennes ont mené à Rafah une opération terrestre, appuyée par des frappes aériennes, pour libérer Fernando Marman, 60 ans, et Luis Har, 70 ans, deux otages israélo-argentins enlevés dans le kibboutz Nir Yitzhak, dans le sud d'Israël, lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre qui a déclenché la guerre.
"Le temps presse"
Le ministère de la Santé du Hamas a fait état d'une centaine de morts dans les bombardements. Des journalistes de l'AFP ont entendu "des dizaines de frappes", d'une intensité supérieure à celles des derniers jours, dans plusieurs parties de la ville.
Les forces israéliennes ont fait irruption "avec des explosifs" au deuxième étage d'un bâtiment où étaient détenus les otages, "ont ouvert le feu sur des cibles aux alentours et ont libéré les otages", ont indiqué l'armée et le gouvernement.
"Des tirs ont alors éclaté depuis ce bâtiment et des bâtiments voisins, suivis de longs combats, pendant lesquels des dizaines de cibles du Hamas ont été visées par des frappes aériennes afin de permettre aux soldats de quitter les lieux", a déclaré le bureau du Premier ministre.
Les deux otages ont été héliportés à l'hôpital Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv. "Nous les avons vus (...) il y avait beaucoup de larmes, des embrassades et peu de mots", a raconté Idan Bejerano, le gendre de Luis Har, devant l'hôpital.
"Nous sommes heureux aujourd'hui mais nous n'avons pas gagné. Ce n'est qu'une étape de plus vers le retour à la maison" des otages encore détenus à Gaza, a-t-il souligné, faisant écho aux familles qui pressent le gouvernement d'accepter un nouvel accord de trêve avec le Hamas.
Selon Israël, 130 otages sont toujours détenus à Gaza, dont 29 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées en Israël le 7 octobre. Une trêve d'une semaine fin novembre avait permis la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par Israël. Le Hamas a prévenu dimanche qu'une offensive sur Rafah "torpillerait" tout accord pour une libération des otages.
"Sur la lune?"
La perspective d'une opération majeure est "terrifiante", s'est alarmé le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, tandis que le président américain Joe Biden, dont le pays est le principal allié d'Israël, a exhorté Benjamin Netanyahu à "garantir" la sécurité de la population.
Un haut responsable américain a écarté pour le moment tout soutien de Washington à un assaut "en raison de la densité de la population" à Rafah, piégée contre la frontière fermée avec l'Egypte.
M. Netanyahu a affirmé dimanche qu'Israël assurerait "un passage sécurisé" à la population pour quitter la ville, sans préciser où elle pourrait se réfugier dans un territoire ravagé.
"Ils vont évacuer" les Palestiniens. "Où ? Sur la lune ?", s'est interrogé à Bruxelles le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, suggérant à Washington de "fournir moins d'armes" à Israël pour "empêcher que tant de gens soient tués".
"Proche de la famine"
La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a juré de "détruire" le mouvement islamiste, qui a pris le contrôle de Gaza en 2007, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. L'offensive israélienne a fait 28'340 morts dans la bande de Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, qui a dénombré lundi 164 morts en 24 heures.
Environ 1,7 million de personnes, d'après l'ONU, sur un total de 2,4 millions d'habitants, ont fui leur foyer depuis le 7 octobre dans le territoire palestinien assiégé par Israël et plongé dans une crise humanitaire majeure. Beaucoup ont été déplacées plusieurs fois, fuyant vers le sud à mesure que les combats s'étendaient.
Rafah, devenue un gigantesque campement, est le dernier centre urbain où l'armée israélienne n'a pas encore lancé d'assaut terrestre et le principal point d'entrée de l'aide humanitaire, insuffisante pour répondre aux besoins de la population. Celle-ci vivent dans des "conditions proches de la famine", a estimé lundi le Programme alimentaire mondial (PAM).