Baisse de production: un éleveur renonce au lait bio

Depuis son passage au bio, les vaches de Cyril Cotting produisent moins. Les règles de Bio Suisse seraient à l'origine du problème.

A Belfaux, Cyril Cotting possède 95 vaches laitières et cultive du maïs, du blé et des betteraves à sucre. © RadioFr.

Cinq ans après être passé à la production biologique, l'éleveur fribourgeois de vaches laitières, Cyril Cotting, renonce. Il a abandonné ce modèle lorsqu'il a constaté que son bétail ne produisait plus la même quantité de lait. Fort de ce constat, il est revenu à une production dite conventionnelle en janvier dernier.

Selon Cyril Cotting, cette baisse est survenue après l'entrée en vigueur d'une nouvelle règle de Bio Suisse, qui abaisse de 10 % à 5 % la part maximale d'aliments concentrés pouvant être donnée au bétail. C'était le 1er janvier 2022.

L'agriculteur de Cutterwil, dans la commune de Belfaux, a alors déploré "une perte de 3 à 4 litres de lait bio par jour". Un lait devenu moins riche en protéines et donc vendu par la suite moins cher à l'industrie.

Une nouvelle race

Une perte financière difficile à encaisser alors que dans le même temps, Cyril Cotting explique que "les granulés bio sont quasiment deux fois plus chers que les autres". Le Fribourgeois a investi dans une nouvelle race de vaches, des Fleckvieh venues d'Allemagne et d'Autriche, pour tenter de retrouver un niveau de production viable. Cette nouvelle stratégie n'a pas porté ses fruits.

Cyril Cotting a jeté l'éponge, même s'il regrette cette décision. "C'est dommage, parce qu'on a investi dans de nouvelles machines onéreuses pour pouvoir faire du bio. Et c'est dommage aussi pour l'écologie."

Malgré ce changement de cap, l'agriculteur va continuer à faire du maïs et de la betterave sans herbicide. Mais le blé destiné à alimenter le bétail est maintenant intensif.

Manque de solidarité

Les nouvelles règles imposées par Bio Suisse sont dangereuses, dénonce Kurt Zimmermann, directeur de Pro Gana, une coopérative agricole membre de Bio Suisse. Il pointe du doigt cette nouvelle limitation de la proportion de granulés à donner aux vaches, mais aussi l'interdiction récente d'importer du fourrage de l'étranger.

Des décisions qui sont pourtant prises par l'organisation de Bio Suisse elle-même, lors de l'assemblée des délégués. "Il n'y a pas assez de solidarité entre agriculteurs. Quand on discute de la modification des conditions d'affouragement pour les ruminants, par exemple, certains délégués, qui n'ont aucune vache, décident", pointe Kurt Zimmermann. Souvent, des décisions sont prises par des personnes qui ne sont pas concernées. Les agriculteurs de la base ont l'impression de n'être plus compris."

Filière menacée?

Le directeur de Pro Gana affirme que de plus en plus de producteurs de lait abandonnent le bio à cause de ces nouvelles normes, trop strictes. Il n'avance aucun chiffre, mais en est persuadé : le phénomène va s'accentuer dans les années à venir selon lui. Et cela a des conséquences non négligeables.

"J'ai été approché par une laiterie bio à Obergoms, en Valais, détaille-t-il. Ils travaillaient avec dix producteurs, trois ont arrêté de traire. Cela a fait exploser les coûts. Ils m'ont dit qu'ils allaient devoir fermer leur laiterie si un nouveau producteur renonce."

Le directeur de Pro Gana appelle Bio Suisse et, plus largement, toute la filière à se remettre en question. "Surtout qu'aujourd'hui, il y a beaucoup moins d'exploitations qu'avant qui se trouvent en conversion en attendant d'être certifiées bio. Cela doit donner à réfléchir."

De son côté, Bio Suisse assume ces nouvelles normes. Elle rappelle que les décisions ont été validées lors d'une assemblée des délégués et qu'ensuite une majorité de membres a rejeté les assouplissements proposés par Pro Gana.

Selon l'organisation, les producteurs qui ont des difficultés à respecter cette nouvelle règle sont des cas isolés. Elle souligne aussi que des consultants et des professionnels sont aux côtés des agriculteurs pour les aider à s'adapter à ces nouvelles règles.

Bien-être animal

Bio Suisse rappelle enfin, via son porte-parole, les raisons qui justifient, par exemple, la limite à 5 % maximum d'aliments concentrés pour les vaches. Cette limite vise d'abord à éviter que l'alimentation animale ne vienne concurrencer l'alimentation humaine – éviter de dédier trop de parcelles au soja pour en faire des protéines animales notamment.

Une question de bien-être animal ensuite : les aliments concentrés causent des difficultés de digestion aux vaches, qui ne mangent naturellement que de l'herbe ou du foin, selon Bio Suisse.

RadioFr. - Maëlle Robert / Adaptation web: Yann Girard
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