"Un policier est habitué à voir quelques victimes, pas 23"

Alors à la tête de la police de sureté en 1994, Pierre Nidegger a vécu au plus proche le drame de l'Ordre du temple solaire. Interview.

La Télé s'est rendue sur place à Cheiry. Le chef de l'idendification de l'époque et un ancien pompier du village reviennent sur la nuit du 5 octobre, où le drame a été découvert. © La Télé

Entre 1994 et 1997, 74 personnes ont trouvé la mort en Suisse, en France et au Canada. Leur point commun: tous faisaient partie de la secte de l'Ordre du Temple solaire.

Le 5 octobre 1994, 23 corps sont retrouvés dans une maison en proie aux flammes, dans le petit village fribourgeois de Cheiry. Alors à la tête de la police de sûreté en 1994, Pierre Nidegger a vécu de près le drame sectaire le plus célèbre de l'histoire du pays.

RadioFr. : Le 5 octobre 1994, vous êtes parmi les premiers à vous rendre sur place, à Cheiry. Cette nuit-là restera-t-elle gravée dans votre mémoire ?

Pierre Nidegger : Bien sûr. Déjà, en l'espace d'une année, nous avons mené l'enquête d'une vie. L'affaire sortait de l'ordinaire par son contexte, mais aussi par le nombre de victimes. Un policier est habitué à voir une seule victime, ou quelques-unes au maximum, mais pas 23. Ici, c'était extraordinaire. 

Pour revenir sur la chronologie des faits, vous recevez un premier coup de téléphone en pleine nuit.

J'étais l'officier de service. On m'a alerté vers 0h30 et je me suis rendu en voiture à Cheiry. On m'avait dit qu'une ferme était en feu avec une personne retrouvée morte à l'intérieur. J'ai effectué le premier constat sur place avec les pompiers. Nous savions que le corps du propriétaire de la ferme était sur place et que la maison accueillait régulièrement plusieurs personnes. Nous nous sommes rendus vers ce que nous croyions être la porte du garage. Les pompiers l'ont défoncée et nous sommes tombés sur un local dans lequel un lieu de culte était établi, avec des chaises disposées en cercle et des taches de sang.

À partir de ce moment-là, vous comprenez que quelque chose de bizarre se trame et vous investigez davantage le lieu.

La taille du local était trop petite par rapport à celle de la ferme. Nous avons déterminé qu'il manquait une partie. Il fallait que nous cherchions plus loin. En tapant contre les murs, nous avons repéré l'entrée d'un second local. J'ai donné plusieurs coups d'épaule et, au dernier, la porte s'est ouverte. Je me suis avancé et je me rappelle avoir dit "Ils sont tous là" en voyant les corps sans vie.

Au moment de cette découverte, qu'est-ce qu'il se passe dans votre tête ?

Quand on voit 23 cadavres d'un coup, ce n'est évidemment pas habituel. Certaines personnes avaient des sacs en plastique sur la tête, d'autres des capes de couleurs. En tant que policier, on a une vision globale de la situation. Notre rôle est ensuite de boucler la scène de crime et d'éviter de la polluer de notre présence. Les scientifiques prennent ensuite le relais.

Comment apprenez-vous l'existence de la secte du Temple solaire?

Quand on découvre le nombre de cadavres, on sait que ce n'est pas une affaire normale. Nous avons d'abord pensé à un suicide collectif. Dans le local, nous avons retrouvé des systèmes de mise à feu. Nous avons arrêté de réfléchir et nous avons fouillé le lieu, en attendant de voir ce que nous allions découvrir. Jusqu'à 10h00 du matin, nous n'avions pas conscience d'être confronté à quelque chose d'aussi particulier qu'une secte.

Découvrez la suite du récit de Pierre Nidegger:

Retrouvez également ci-dessus le reportage vidéo réalisé par La Télé.

RadioFr. / La Télé - Maëlle Robert / Cloé Pichonnat/Adaptation web: Théo Charrière
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