Jacques Mauron: "L'investissement solaire reste rentable"

Prix de l'électricité et du gaz, rachat de l'énergie solaire, licenciements: les défis sont nombreux pour Groupe E. Son directeur réagit.

Groupe E a communiqué ses tarifs pour 2025, notamment concernant la reprise de la production photovoltaïque personnelle. Son directeur Jacques Mauron revient sur cette annonce. © RadioFr/envato

RadioFr: Les factures d'électricité vont baisser l'an prochain: moins 11% en moyenne, avec un tarif de 28 centimes par kWh. Mais les Fribourgeois paieront toujours leur électricité plus cher qu'avant la crise énergétique, alors que le marché s'est détendu. Pourquoi?

Ce qui se passe aujourd'hui sur le marché, c'est qu'on paie notre dépendance énergétique, que ce soit le pétrole, le gaz, mais aussi une partie de l'électricité pendant le semestre d'hiver. Avec le conflit ukrainien, on a eu des hausses du prix du gaz sur le marché européen quand il était important, il y a eu des problèmes en plus sur le parc nucléaire français qui ont fait exploser les prix à l'hiver 2022-2023. On garde aujourd'hui un niveau de prix qui est relativement élevé par rapport à ce qu'on vivait auparavant, et donc des prix qui baissent, mais gentiment. Ce qu'il faut comprendre aussi c'est qu'on a des coûts de réseau globalement qui augmentent, notamment parce qu'on a un très fort développement du photovoltaïque qui est positif dans le cadre de la transition énergétique, et ça veut dire qu'on n'arrivera probablement plus à des prix tels qu'on les a vécus il y a quelques années à 20 centimes par kWh.

On a quand même connu des hausses de 20% en 2023, de 29% en 2024. On ne peut pas faire mieux qu'une baisse de 11%?

On fait le mieux qu'on peut. Il faut bien comprendre que la formation des tarifs elle est faite en couverture des coûts qu'on a, que ce soit les coûts de production, les coûts de reprise de l'énergie et les coûts de l'énergie qu'on achète sur le marché. Et là on a une hausse par rapport à d'autres distributeurs en Suisse qui a été plutôt atténuée chez Groupe E dans les dernières années. On est aujourd'hui dans la moyenne suisse, on s'attend dans les 2, 3, 4 prochaines années à pouvoir baisser à nouveau. Pour autant qu'on se trouve sur marché qui reste relativement détendu.

La semaine passée vous avez aussi annoncé des changements pour les tarifs de rachat de l'électricité solaire, on a beaucoup incité les gens à installer des panneaux solaires aussi justement pour être moins dépendant de l'étranger. On ne connaît pas encore les prix exacts de ce rachat, ça se fera à chaque trimestre, mais ce qu'on peut dire aujourd'hui c'est qu'avoir des panneaux solaires sur son toit ça rapportera moins dès l'année prochaine.

Dans les tarifs de Groupe E - les 28 centimes dont on parlait avant - une part de plus en plus significative revient à ce que paie Groupe E pour racheter l'énergie photovoltaïque des clients qui en produisent. On doit aujourd'hui adapter ces prix, qui ont augmenté fortement ces dernières années. Aujourd'hui d'attendre des prix sur le marché ça veut dire aussi un prix qui correspondait peut-être plus à une rentabilité qu'on peut attendre pour des panneaux photovoltaïques.

Groupe E a incité les particuliers et les entreprises à investir dans les panneaux solaires. Vous entendez la frustration de ces personnes? 

On a communiqué que les prix qui étaient pratiqués n'étaient pas des prix qui tiendraient sur le long terme. Aujourd'hui avec une installation photovoltaïque, on arrive à rentabiliser extrêmement vite, entre 5 à 8 ans pour une installation d'une durée de vie de 25, 30, 40 ans. En réalité cette énergie elle est payée par les consommateurs, et d'avoir une rentabilité sur 5 à 8 ans, ça veut dire que les autres consommateurs nous offrent finalement une énergie qui est ensuite gratuite pendant une vingtaine d'années. L'objectif qui est fixé, pas par Groupe P mais par la Confédération, c'est d'avoir un prix qui permette une rentabilité sur le long terme mais peut-être sur une durée plus proche de la durée de vie de l'installation que sur des temps très courts payés par les autres consommateurs. Et donc si on peut baisser les prix dans ces prochaines années, on l'espère, c'est aussi parce qu'on a un prix de reprise de l'énergie qui correspond à une réalité et à un investissement qui reste rentable. 

Vous rachetez entre 8 et 14 centimes dès l'année prochaine pour ce rachat éolien alors que finalement en hiver cette même personne qui a ses panneaux solaires va payer l'électricité 28 centimes, ces 14 centimes voire plus vont dans la poche de Groupe E ou pourquoi cette différence ? On entend souvent cette critique.

Elle ne va pas dans la poche de Groupe E. En réalité, on compare deux choses qui sont différentes. Quand on paye 28 centimes pour consommer de l'énergie à la maison, il y a la partie énergie mais il y a toute la partie du réseau qui correspond à elle seule à 10-12 centimes par kWh. On a la partie des taxes par-dessus, on a la TVA encore et donc entre le prix de reprise et le prix de vente, on n'est pas en train de parler de la même chose. Le prix de reprise c'est vraiment la partie énergie elle-même qui est une composante du prix de vente.

Donc combien de centimes reviennent à Groupe E?

Il y a zéro rentabilité, on a juste un report des coûts par rapport à ça. Si on prend le prix de 14 centimes cette année, c'est à peu près le prix que paie le client pour la partie énergie à la maison.

Le prix du gaz va aussi baisser, mais il reste plus élevé qu'avant la crise énergétique, est-ce que là, on retrouvera les prix d'avant?

La Suisse importe 70% de l'énergie qu'elle consomme. Dans le cas du gaz, on a aucune production en Suisse et on est purement dépendant de ce qui se passe sur les marchés du gaz. Et ce qu'on a observé avec le conflit en Ukraine, c'est une explosion des prix du gaz, une très forte diminution des exportations russes vers l'Europe. Ce gaz est remplacé essentiellement par du gaz de schiste qui vient des États-Unis, avec un coût nettement supérieur. On ne s'attend pas à des baisses drastiques du gaz dans les prochaines années. 

Groupe E a décidé le mois passé de se séparer de nombreux collaborateurs et collaboratrices. 8 postes supprimés au sein de Groupe E Connect, 70 personnes dans le domaine de la fibre optique avec la fermeture prévue de deux entreprises, une dizaine de postes encore en moins dans l'arc jurassien. Les affaires vont mal?

La situation dans la fibre optique est particulière. Aujourd'hui, on n'arrive pas à rentabiliser ces activités. On perdait de l'argent chaque fois qu'on vendait un contrat dans les derniers mois. On a dû prendre cette décision difficile. On est en train de discuter d'un plan social avec les partenaires sociaux, pour pouvoir autant que possible accompagner ces personnes dans la recherche d'un emploi. Sur les personnes qui ont été licenciées sur la partie Groupe E Connect, c'est un peu différent. Là, on subit finalement un ralentissement très fort dans les installations de pompes à chaleur. On a probablement vécu un peu une bulle dans les dernières années. Aujourd'hui, on retombe à un niveau qui est de 30- 35% en dessous et on doit en permanence ajuster nos effectifs en fonction du marché.


Groupe E a aussi annoncé un programme d'efficience ambitieux pour accroître sa rentabilité. On parle de 35 millions de francs par année d'ici 2026. Est-ce qu'il faut s'attendre à d'autres mesures qui vont toucher le personnel?

Aujourd'hui, on est en train de définir les mesures qui vont devoir être prises. Elles ne sont pas encore complètement arrêtées. Il faut comprendre que, comme toute entreprise finalement, Groupe E doit adapter ses effectifs à son marché. On cherche à tout prix à éviter les licenciements quand on peut le faire. On a aussi devant nous des investissements qui sont extrêmement importants et qui signifient que l'entreprise doit avoir les moyens de financer ces investissements pour la transition énergétique.

Groupe E compte investir énormément, 2 milliards sur 10 ans. Vous avez les moyens de ces investissements?

On les a, c'est une bonne nouvelle, à condition d'être efficients dans nos processus, et d'obtenir les résultats qui nous permettent de financer ces investissements. 

Ecoutez l'interview complet:

RadioFr. - Loïc Schorderet
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