La Suisse à nouveau critiquée sur le racisme

La Suisse peut faire mieux pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale sur son sol, selon de nombreux autres Etats membres de l'ONU. Devant le Conseil des droits de l'homme vendredi à Genève, elle a admis que des améliorations sont possibles.

La secrétaire d'Etat Livia Leu avait la tâche de défendre la situation des droits humains en Suisse devant les autres Etats membres de l'ONU (archives). © KEYSTONE/PETER SCHNEIDER

Comme tous les quatre ans environ, la délégation suisse était auditionnée devant cette instance pendant plusieurs heures, faisant face aux reproches et recommandations. Beaucoup ont salué des avancées ces dernières années dans la situation des droits humains en Suisse, sans pour autant l'exonérer de certaines demandes.

Parmi les thématiques les plus abordées, le racisme et la discrimination raciale sont revenus régulièrement. La Chine a notamment souhaité des adaptations législatives et administratives, se disant plus largement "inquiète" face aux discriminations contre les minorités.

Pékin a souvent menacé la Suisse de représailles pour ses critiques sur la situation au Xinjiang, où plus d'un million d'Ouïghours sont internés dans des camps de rééducation. Mais la Chine n'était pas la seule à mentionner des préoccupations sur la situation en Suisse.

Plusieurs pays ont demandé un plan d'action national contre la discrimination raciale, souhaité par les ONG, ou un mécanisme indépendant de collecte des plaintes contre le profilage racial par les forces de sécurité. La Suisse avait été vivement critiquée l'année dernière par plusieurs membres du Groupe de travail de l'ONU sur les personnes d'ascendance africaine qui avait dénoncé un "racisme systémique".

Profilage racial: dispositif suffisant

Tout en admettant l'importance de la question, l'ambassadeur suisse à l'ONU à Genève Jürg Lauber avait ensuite parlé de "malentendus". Vendredi, la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, Livia Leu, a souligné que le Conseil fédéral et le Parlement estiment que la norme pénale contre le racisme offre une "protection efficace". Pour autant, elle admet que des améliorations sont possibles dans l'accès à la justice des personnes affectées.

"La Suisse considère comme un devoir permanent" l'engagement contre le racisme, notamment en ligne, a assuré Mme Leu. La délégation a expliqué les décisions récentes. Et un responsable cantonal a estimé que les dispositifs légaux actuels suffisent contre le profilage racial.

De son côté, la Russie s'est à nouveau dite "préoccupée" par les discriminations à l'égard de ses concitoyens en Suisse depuis le début de la guerre en Ukraine. Parmi les autres recommandations reçues, des efforts sont demandés également sur l'inégalité salariale entre hommes et femmes, que Berne admet, ou la situation de ces dernières plus largement. Y compris par l'Iran, qui est confronté à des manifestations massives après le décès de la jeune Mahsa Amini, interpellée pour avoir mal porté le voile islamique.

Anticipant ces reproches, la secrétaire d'Etat a estimé que "la Suisse s'engage résolument sur la voie de l'égalité", avec la nouvelle politique lancée en 2021 et le plan d'action qui l'accompagne. Elle a surtout promis des initiatives pour tenter d'augmenter la représentation féminine dans les institutions politiques fédérales et des autres collectivités, en vue des élections fédérales d'octobre prochain. "Nous pouvons et nous devons faire mieux", a-t-elle dit.

Inégalités sur la pandémie

Plusieurs pays ont aussi souhaité que la Suisse ratifie la Convention internationale sur les travailleurs migrants. Mais une responsable du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a douché toute possible avancée sur cette question, en affirmant le pays ne prévoit pas de répondre favorablement à cette revendication. Comme souvent dans les auditions de la Suisse devant des instances onusiennes, des inquiétudes ont aussi été relayées sur la situation des demandeurs d'asile, des détenus ou encore des personnes handicapées.

Outre les reproches, la Suisse a aussi eu droit à quelques soutiens. De nombreux pays ont salué le lancement, attendu en mai, de l'Institution nationale des droits de l'homme. Mais là aussi, certains ont déploré le manque de financement. Ces derniers mois, la Commission nationale de prévention de la torture avait estimé que l'institution ne pourrait honorer son mandat de protection et de promotion des droits humains, faute de moyens.

Dans son discours préliminaire, la secrétaire d'Etat avait jugé que la Suisse fait face, comme les autres pays, à une "recrudescence des inégalités" depuis la pandémie, notamment pour les minorités et les plus vulnérables. Elle a relevé des "défis" pour la Confédération. Mais la situation des droits humains en Suisse "est relativement favorable", a-t-elle souligné.

ATS
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