Les jeunes doivent être protégés du tabac
L'industrie du tabac ne doit pas pouvoir séduire les jeunes. Une interdiction plus stricte de la publicité est nécessaire, ont plaidé jeudi les partisans de l'initiative sur le tabac, soumise au peuple le 13 février.
Actuellement, la publicité pour le tabac est dirigée vers les jeunes, a constaté Alexander Möller, médecin adjoint en pneumologie pédiatrique à l'Hôpital pour enfants de Zurich, devant les médias. En pleine puberté et recherche de leur identité, ils sont particulièrement vulnérables et constituent des cibles de choix.
"La stratégie de l'industrie du tabac repose sur des concepts comme la coolitude, le sex-appeal ou encore la liberté", a-t-il poursuivi. Et de le démontrer à travers une série d'exemples: une Instagrameuse soufflant un nuage de fumée en plein festival, des Tiktokeurs partageant leurs astuces pour vapoter ou encore une publicité pour du tabac à sucer, visible sur un site gratuit, mettant en scène un jeune s'amusant sur un tricycle tout-terrain.
En une journée, un adolescent peut-être soumis directement ou indirectement à quelque 70 publicités pour le tabac, a estimé le professeur. Et c'est efficace. De nombreuses études établissent un lien direct entre la publicité pour le tabac et sa consommation. En Suisse, près de 15% des jeunes de 15 ans fument, a-t-il précisé. Tout comme presque un ado de 17 ans sur quatre. Parmi les fumeurs, plus de la moitié ont commencé avant d'atteindre leur majorité.
Dépendance accrue
Or le tabagisme précoce est problématique. "Il accélère le développement d'une dépendance et des maladies chroniques", a expliqué Solange Peters, cheffe du service d'oncologie médicale du CHUV. Il s'agit principalement de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires. La liste ne cesse de s'allonger.
Beaucoup de ces pathologies se traduisent par des décès, a continué la professeure, qui perd une grande partie de ses patients. Au total, près de 10'000 personnes meurent en Suisse des suites d'une maladie due au tabagisme. C'est 15% de tous les décès, et 40 fois plus que les morts de la route.
Les coûts pour la société sont énormes, a-t-elle encore relevé. Traitements, médicaments, hospitalisations et autres coûts de la santé s'élèvent à trois milliards de francs. "C'est presque 1500 francs pour une famille de quatre personnes." L'absentéisme et les autres pertes de productivité représentent entre deux et trois milliards de francs.
Il est donc capital que les jeunes ne commencent jamais à fumer, aux yeux des initiants. Pour cela, il faut éviter que les publicités ne les atteignent. C'est ce qu'exige l'initiative "Enfants sans tabac". "Plus un jeune commence tôt à fumer, plus les risques sont importants", a rappelé Solange Peters.
Contre-projet alibi
Jugée trop extrême, l'initiative a toutefois été rejetée par le Parlement au profit d'un contre-projet indirect. Le texte interdit la vente de tabac aux mineurs et la publicité sur les affiches, dans les cinémas, sur les terrains de sport, dans les transports et les bâtiments publics. Le parrainage d'événements internationaux et de manifestations destinées aux jeunes est également prohibé.
Pour le camp bourgeois, qui a présenté ses arguments dans la matinée, c'est un bon compromis. Il protège efficacement la jeunesse tout en préservant les intérêts économiques. Le comité d'initiative y voit lui un "exercice alibi".
"La publicité reste autorisée dans les journaux gratuits, sur Internet, dans les kiosks et les festivals, partout où les jeunes y ont accès", a critiqué Andrea Trummer, directrice de la Ligue pulmonaire glaronnaise. La Suisse est l'un des pays les plus permissifs dans le domaine.
"Le tabac est pourtant une substance addictive, et non une denrée alimentaire", a rappelé Philippe Luchsinger, président des Médecins de famille et de l'enfance Suisse. Il n'est pas question de l'interdire, mais seulement de restreindre sa promotion auprès des jeunes. "Il est grand temps que nous protégions notre jeunesse."