"Cet espace est important pour la survie des consommateurs"

En août dernier, Le Tremplin ouvrait un local d'injection à Fribourg. La présidente de l'institution tire un bilan 6 mois après l'ouverture.

Geneviève Beaud Spang est la présidente du conseil de la Fondation Le Tremplin, à Fribourg, où a ouvert un local de consommation de drogues sécurisé en août. © Frapp

RadioFr: Quel est le bilan que vous tirez de ces six premiers mois d'ouverture du local d'injection?

Geneviève Beaud Spang: Cet espace répond vraiment à un besoin et il a différents atouts. Et parmi les atouts, je parlerai de cette proximité avec le Tremplin. Ce n'est pas un espace perdu quelque part en ville. Cet espace de consommation, c'est quelque chose d'important pour la sécurité et pour la survie des consommateurs et consommatrices. Mais aussi important pour la population, parce que ça évite peut-être aussi des espaces de consommation sauvage en ville avec des seringues qui traînent, par exemple. 

En parlant de consommation, on a aussi parlé beaucoup du crack dans les médias avec notamment une explosion de sa consommation dans certaines villes comme à Genève. Quelle est la situation du côté de Fribourg?

A Fribourg, contrairement à d'autres villes romandes, on peut dire qu'il n'y a pas de marché de vendeurs externes spécialisés dans la vente de produits déjà prêts à être consommés, mais le crack est à Fribourg. Et le fait que les consommateurs et consommatrices peuvent le préparer eux-mêmes, donne l'impression qu'on assiste à une diminution d'une frénésie par rapport à ce marché. Là aussi, on voit le bénéfice de se doter d'un local de consommation sécurisé, d'un personnel médicalisé, d'encadrement. 

Le Tremplin a pris ses locaux provisoirement du côté de la rue des Arsenaux à Fribourg. Comment ça se passe de ce côté-là?

Cela se passe particulièrement bien pour les différents partenaires, et pour les bénéficiaires. Ce qui est très important pour nous, c'est que ça se passe bien, à notre connaissance, avec la population. C'est une priorité. On a mis en place un groupe de suivi avec la participation des habitants, habitantes de l'association de quartier, mais aussi de la police et des partenaires proches du Tremplin. On a nommé un médiateur externe au Tremplin pour que le travail de suivi, d'écoute, d'attention se fasse. La sécurité et la solidarité sont des valeurs importantes dans cette démarche.

Votre carrière a commencé du côté du Tremplin. C’était au début des années 80. Aujourd’hui, on peut dire que vous revenez un peu aux sources. Comment percevez-vous l’évolution dans l’accompagnement des bénéficiaires du Tremplin?

J’ai toujours eu cette envie profonde de m’engager auprès des populations les plus défavorisées. Et il est incontestable que les personnes souffrant d’addiction, malades de cette dépendance, sont, dans notre société, souvent invisibles. On les voit, mais on ne les regarde pas vraiment. C’est pourquoi, pour moi, il est primordial de revenir au Tremplin, un lieu qui a su traverser les décennies. Aujourd’hui, les équipes sont plus nombreuses et de nouveaux secteurs spécialisés ont vu le jour. Ce développement est fondamental. Par exemple, des ateliers ont été créés, comme ceux pour le travail du bois, la forge, la cuisine ou même la conciergerie. Ces activités offrent la possibilité de maintenir un lien avec une forme d’insertion. Il y a aussi tout le travail accompli au Seuil, qui fonctionne comme un centre d’accueil de jour. Chaque jour, entre 80 et 100 personnes viennent s’y rendre. Et il ne s’agit pas uniquement de bénéficiaires; le Seuil permet aussi à toute personne de venir y manger si elle le souhaite. C’est un véritable lieu de rencontre. Ce sont ces développements que je trouve magnifiques, car ils permettent de favoriser l’échange et d’éviter les cloisonnements entre différentes catégories de problèmes sociaux.

Le prochain gros projet pour la fondation du Tremplin, c'est ce déménagement en 2028 dans les locaux à Hans Fries, qui sont actuellement loués par l'école Club Migros. Vous préparez déjà ce déménagement? 

Bien sûr, il y a l'aspect des travaux concrètement à prévoir. Mais pour nous, ce qui est particulièrement important, c'est cet ancrage dans un quartier. Nous voulons faire en sorte que la population ne se sente pas prise au piège, mais partenaire d'une discussion.

Le Tremplin fête cette année ses 40 ans. Est-ce qu'il y a un programme spécial?

On peut déjà mentionner une journée porte ouverte le 22 mars. J'invite la population à venir visiter le Tremplin. Puis, vers la fin de l'année, on fera un souper de soutien, car on a aussi besoin de fonds pour pouvoir développer des projets au-delà de ce que les subventions permettent. 

RadioFr. - Léo Martinetti / an
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