Michel Fugain: "Je suis un musicien qui aime les mots"

A 83 ans, le chanteur est de retour avec un 22ème album studio “La Vie, L’Amour, Etc”, à découvrir au BFM à Genève le 24 avril. Rencontre.

Michel Fugain publie son 22ème album studio "La Vie, L'Amour, Etc". Il sera au BFM à Genève le 24 avril 2025. © Ingrid Mareski

Radio Fr: Michel Fugain, d'entrée, j'ai envie de vous dire que cet album fait du bien. On a des vrais textes, déjà, et je trouve que c'est de plus en plus rare. Et au-delà de textes, j'ai envie de dire que ce sont des poèmes accompagnés en musique. Ça fait du bien au cœur et à la tête. Et puis, il y a tellement d'espoir et de positivité. C'est un vrai album de partage que vous nous livrez là?

Michel Fugain: C'est l'album d'un mec qui a 60 ans de métier. C'est l'album d'un mec qui a 83 balais et qui est revenu d'un certain nombre de choses et qui peut avoir un regard un tout petit peu au-dessus, un macro regard. Parce que c'est comme ça, parce qu'il y a des moulins à vent contre lesquels je ne partirai plus avec ma lance, comme Don Quichotte. 

Vous l’avez dit, 60 ans de carrière. Et vous le dites depuis assez longtemps, vous n'êtes pas chanteur. De base, ce n'était pas votre volonté. Vous vous qualifiez davantage de parleur en musique, un décorateur de vie. C'est quoi la différence pour vous?

Je pense que chanter, quand on est intéressé par les idées, par les mots, par les émotions, c'est parler en musique, c'est dire quelque chose. Depuis tout le temps, on parle en musique. Ce que je peux reprocher à des chanteurs, c'est de ne faire que chanter. C'est-à-dire, moins on parle et moins on a accès à l'intellect, au cerveau des gens, au cœur et tout ça. Donc oui, je me revendique parleur en musique et je le revendique d'autant plus fort en disant que c'est quand même un peu exemplaire parce que je suis musicien au départ et je sais maintenant que je suis un musicien qui aime les mots. 

Parmi les dix titres qu'on retrouve sur ce nouvel album, il y a "Les Chimères". J'ai beaucoup été touchée par ce mélange de douceur et de nostalgie. Il y a aussi des petits clins d'œil à Michel Jonasz et Laurent Voulzy. Je vous avoue que j'aurais aussi pensé à un petit clin d'œil à Michel Sardou. Parce que sans lui, vous n'auriez pas fait ce métier?

Ça remonte très très très loin. Ce sont deux époques différentes. Mais oui, effectivement, merci Michel d'avoir dit un jour: "Je voudrais passer une audition chez Barclay." "Qu'est-ce que tu vas chanter?" "Oh, je vais prendre une chanson de Johnny, etc". Et on lui dit: "On va te les faire tes chansons". Or, c'est là où c'est absolument incroyable. On n'est plus jamais retourné au cours d'art dramatique dans lequel on était, et où on s'est rencontrés tous les quatre. Le lendemain, je découvrais que j'aimais ça, faire des airs. Avec trois accords, je faisais un air. Et je mettais en musique le texte de Michel qui m'avait présenté. Et s'il n'avait pas dit ça, je ne serais pas devant vous ce matin. Donc c'est le pur hasard. Je ne savais pas que j'étais fait pour faire des mélodies. Et moi, je suis encore fasciné par ça. De la même manière, et je le note dans le spectacle, c'est que s'il n'y avait pas eu une chanson qui a tellement marché fort, il n'y aurait jamais eu de "Big Bazar". Car un truc qui marche comme "Une belle histoire" a marché, ça entraîne tout le reste. 

J'aimerais aussi qu'on s'arrête sur le titre "Paris" qu'on retrouve sur ce nouvel album. Je crois que la mélodie, vous l'aviez en tête depuis plusieurs années. Ah, vous montrez du doigt Sanda, qui est toujours autour de vous. Votre sirène, comme vous l'avez longtemps appelée?

Toujours, elle n'est pas loin… Je l'ai appelée comme ceci parce qu'elle a agit comme une sirène. Elle avait la possibilité de descendre, de me prendre, alors que j'étais entre deux eaux. Et elle m'a monté à la surface, elle m'a fait prendre ma première goulée d'air. Et rien que pour ça, ça valait la peine que je l'épouse.

C'est magnifique. J'ai aussi envie de dire que vous avez eu, je pense, plusieurs vies, évidemment, dans ce métier, mais la première peut-être jusqu'en 2002. Vous avez quitté Paris pour la Corse suite au décès de votre fille Laurette pour y déposer ses cendres sous un olivier?

Maintenant, elle est dans l'olivier, normalement. Si l'olivier a fait son boulot, il est allé puiser dans les cendres de ma fille. Mais ma fille est devenue un olivier, oui. Et un mois ou deux après avoir mis Laurette sous un olivier, je tombe sur cette blonde qui chante magnifiquement bien dans un bar, avec une voix tout à fait particulière. Elle est roumaine, donc pas loin des voix bulgares. Et on a commencé d'abord par être amis. Mais, amis à s'appeler 15 fois par jour. Et puis un jour, on a craqué. D'amis, on est devenus amants. Et elle a changé ma vie, c'est-à-dire que j'ai quitté la vie d'avant. Parce que mon ex-épouse avait monté une association. Dans un truc comme ça, qui est aussi douloureux, chacun essaie de sauver sa vie. On ne réagit pas tous de la même manière face eu deuil. La séparation a été très nette. On mourait peut-être chacun de son côté. Elle, de façon efficace, en montant l'association, qu'elle gère très, très bien. Et moi, je n'avais rien sous le coude jusqu'au moment où Sanda est arrivée dans ma vie.

Michel Fugain, je termine toujours ces interviews par un petit instant “Crush”, et j'aimerais vous parler de vos succès, évidemment qu'il y en a eu énormément en 60 ans de carrière. J'en ai sélectionné trois. “Fais comme l'oiseau”, “Attention Mesdames et Messieurs” et “Une belle histoire”. J'imagine que vous les affectionnez les trois, mais est-ce qu'il y en a un que vous affectionnez encore un petit peu plus aujourd'hui?

Alors, on va s'amuser, et je vais prendre “Attention Mesdames et Messieurs”. Oui, parce que je suis un homme de spectacle, et que pour commencer un spectacle, il n'y a pas mieux. Il n'y a pas mieux, parce qu'il y a plein de gens qui faisaient des spectacles d'amateurs, et qui ont pris ça comme début de spectacle. C'est magnifique, c'est ce qui me fait dire que quand on fait ce métier, il faut être utile. Et être utile, ça veut dire faire chanter, et que ça fasse du bien.

RadioFr. - Virginie Pellet / Frapp - Laura Kolly
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