La recherche contre le cancer sans expérimentation animale?

Une équipe de chercheurs emmenée par un professeur de l'UniFr tente de pallier l'utilisation de rongeurs avec de la 3D.

L'équipe du professeur Dengjel et de Stéphanie Käser travaille en collaboration avec une autre équipe de l'ETH à Zurich. © Frapp

Dans le domaine de la recherche contre le cancer, il est fréquent d’utiliser des modèles de greffe (xénogreffe), qui consistent à implanter des cellules tumorales humaines dans des souris. Ces tests sont utilisés pour analyser le développement de la tumeur et les effets des médicaments.

"Le principe du projet, c'est de pouvoir identifier le meilleur micro-environnement tumoral pour recréer les tumeurs en 3d in vitro (en laboratoire). On pourrait ainsi se passer des modèles de xénogreffes dans la souris", précise Stéphanie Käser, lab manager dans le cadre du projet développé dans les locaux de l'Université de Fribourg.

Éthique de labo

Stéphanie Käser explique les fondements de cette étude: "Pour nous, c'est essentiel que l'initiative visant l'interdiction de l'expérimentation animale ait été refusée, puisque pour l'instant, on ne peut pas se passer de la recherche avec les animaux, même si on aimerait bien. Il y a beaucoup de domaines où on ne peut pas la remplacer pour le moment. Mais on fait notre maximum dans les laboratoires pour limiter cette utilisation et aussi pour la remplacer. Et c'est justement ce qu'on essaie de faire avec ce projet."

"Nous travaillons sur des tumeurs de la peau. Notre objectif serait idéalement de recréer des tumeurs qui soient le plus proche possible des modèles humains pour pouvoir après éviter de passer par la souris et de devoir créer ces tumeurs chez elles. On pourrait ensuite tester de nouvelles drogues, chimiothérapies et ainsi mieux comprendre la formation des tumeurs en évitant de faire appel à des souris."

Identifier, modeler, tester

Les Professeurs Jörn Dengjel de l'Unifr et Mark Tibbitt de l'EPFZ s'intéressent ainsi aux propriétés moléculaires et physiques des xénogreffes de tumeurs. La première phase du projet consiste à identifier ces propriétés grâce à différentes méthodes de mesure.

Durant la deuxième phase, les scientifiques utiliseront les données recueillies pour élaborer des modèles de culture cellulaire 3D en laboratoire. L'objectif est de reproduire le plus fidèlement possible les propriétés des modèles de xénogreffes. En effet, les cellules en deux dimensions, attachées au fond d'une plaque, ne reproduisent pas la situation du corps humain. Il faut qu'une tumeur pousse en 3D pour qu'elle ressemble le plus possible à celle d'un corps humain. Cela implique de recréer son micro-environnement, ce qui est inenvisageable en 2D.

La troisième et dernière phase du projet occupera les chercheurs à étudier les effets des interventions génétiques et pharmacologiques sur l’évolution des cellules cancéreuses. Ce projet fournira des informations détaillées sur les modèles animaux en cancérologie. Il s'agit ensuite de pouvoir les reproduire in vitro.

Un financement encourageant

Cette approche novatrice se réalise à grande échelle, avec des disciplines qui n'existaient pas, il y a quelques années. Pour répondre à cette modernité, les machines utilisées se doivent d'être à la pointe de la technologie et sont donc régulièrement remplacées par les derniers modèles existants, plus performants.

Le projet a été sélectionné dans le cadre du programme du Fond national suisse intitulé "Advancing 3R – animaux, recherche et société" et a reçu un financement de 716’000 francs. Il s'étend sur une durée de quatre ans. Deux doctorants travailleront en étroite collaboration, un à Fribourg et l'autre à l'EPFZ.

Frapp - Rémi Alt / Anaïs Rey
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