"Une baisse des primes n'est pas réaliste"

Primes maladie, retraites: la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider évoque l'avenir des assurances sociales. Entretien exclusif.

La ministre de l'Intérieur Elisabeth Baume-Schneider est favorable à l'augmentation de l'actuelle franchise de base de la LaMAL. Elle évoque notamment cette proposition. © La Télé

Radio Fribourg: Les premières factures de primes maladie sont arrivées, elles ont une fois encore augmenté, plus 6% en moyenne suisse. Est-ce que vous-même, vous avez changé de caisse maladie pour économiser?

Elisabeth Baume-Schneider: Je n'ai pas changé de caisse maladie, mais j'ai changé pour un modèle alternatif. La préoccupation de la population est légitime, parce que ça grève de manière significative, voire massive, le budget des familles dans certains cantons encore plus que d'autres.

La franchise la plus basse est aujourd'hui de 300 francs, le Parlement veut l'augmenter, vous aussi. Jusqu'à combien pour une franchise minimale?

Le Conseil fédéral a pris l'option d'entrer en matière sur une motion qui a été déposée au Conseil des États et une autre au Conseil national. Elles ont été acceptées, mais le Conseil fédéral a aussi dit qu'on devait avoir une certaine retenue dans la mise en œuvre de cette motion. Il faut savoir que ça fait plus de 20 ans qu'on n'a pas modifié la franchise, mais on ne peut pas doubler la franchise. Il faut que ça reste possible pour l’ensemble des ménages. On sait qu'environ 19% des gens qui hésitent à consulter par rapport à des questions financières, et que plus de 3% ne consulte pas pour des prestations nécessaires par souci financier. 

Vous n'avez pas peur que la situation empire avec une telle décision?

Les Chambres fédérales décident et ensuite, on doit mettre en œuvre. Nous allons être raisonnables, mesurés, et une consultation est prévue. L’augmentation devra être raisonnablement modeste, et le rythme aussi.

Quelle est l'augmentation maximale acceptable pour vous?

Je ne peux pas imaginer doubler une franchise. Mais peut-être que les discussions nous amèneront dans ce genre de débat. Il faut travailler en bonne intelligence. 

Est-ce qu'un jour, vous, en tant que conseillère fédérale, vous pourrez annoncer une baisse des primes?

Je rêverais de cette situation, mais je pense qu'il faut se concentrer sur la maîtrise des augmentations des primes. La volonté est de stabiliser l'augmentation et de casser la courbe ascendante. Une baisse des primes n'est pas réaliste.

Que dites-vous à la population: qu'il faut économiser sur d'autres dépenses, ou que les pouvoirs publics devront aider de plus en plus?

Il existe des dispositifs, dans le cadre des subsides maladie. La Confédération doit jouer son rôle, et les cantons s'impliquent dans les subsides de primes. Ce n’est pas uniquement le citoyen qui doit se serrer la ceinture, mais c’est une responsabilité collective.

Votre prédécesseur, Alain Berset, semblait abattu face aux forces des lobbies, aux solutions presque systématiquement refusées. Vous partagez ce constat? 

Ce n’est pas plus difficile que prévu. C’est exigeant mais passionnant. Nous avons des progrès, comme avec la nouvelle structure tarifaire et les rabais de quantité sur les médicaments. Le dialogue est maintenant plus constructif. Les partenaires se parlent. Il y a une volonté de maintenir un système de bonne qualité, il ne faut pas l'oublier: on paie cher, mais on a quand même un système d'excellente qualité par rapport aux pays voisins. 

Il y a un autre grand dossier entre vos mains, nos retraites. Vous devez présenter dans quelques mois une réforme de l'AVS. Est-ce que, parmi les solutions, vous allez proposer une hausse de l'âge de la retraite?

Ce sera nuancé. Nous allons proposer des options et alternatives, y compris sur la flexibilisation de l'âge de référence de la retraite. La question de l'âge sera sur la table, mais il faut aussi respecter la volonté de la population, qui a rejeté de manière massive une augmentation de l'âge de la retraite.

Si on n’augmente pas l’âge de la retraite, il faudra trouver de l’argent, de nouvelles sources de financement. Quelles sont les pistes les plus convaincantes pour financer l'AVS?

Les cotisations salariales et la TVA sont des solutions habituelles. Il y a aussi des propositions de partis politiques comme l’impôt sur les transactions financières ou les successions. On est face à une vague démographique, avec les baby-boomers, mais cette vague démographique aura une fin. Il faut réfléchir au modèle de l'AVS avec les réalités et les contraintes d'aujourd'hui et demain. Il y a d'autres hypothèses pour sortir du débat uniquement financier. 

Les sources de financement habituelles vont-elles suffire?

Cela dépend de l’effort. Les sources habituelles peuvent suffire, mais cela dépend aussi des décisions des employeurs et des syndicats. Il y a des alternatives, mais je ne veux pas envisager des solutions sordides comme la diminution des rentes, ce qui serait contraire au bon sens: le peuple vient de voter pour une 13e rente AVS. 

Quel bilan personnel faites-vous de l’année écoulée et quels sont vos souhaits pour l’année à venir?

Des débats sereins, honnêtes et engagés sur le financement des assurances sociales. Le peuple veut une AVS forte et stabilisée: on doit réfléchir au financement de la 13e rente et au déplafonnement des rentes via l'initiative du Centre. La question des rentes de veuf est aussi sur la table parlementaire. 

La Télé / RadioFr. - Loïc Schorderet
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