"Je voulais proposer un espace loin du patriarcat"

Avec son projet "Birragusta", Camille Spühler organise des dégustations de bières dont la plupart en non-mixité choisie.

La sommelière de bières organise des dégustations depuis 2020. © PEXELS / FRAPP

Camille Spühler n'es pas née à Fribourg, mais à Lausanne. Il y a sept ans, elle décide de s'y installer alors qu'elle travaille pour le FIFF. Profondément séduite par la ville, elle ne la quittera plus. 

Elle découvre la bière dès qu'elle est en âge légal d'en boire. Très vite, elle se détourne des bières industrielles, se découvrant une véritable passion pour celles dites "artisanales". A l'époque, elle est encore étudiante et cherche des petits boulots. Elle commence en tant que serveuse au Pi Bar, aujourd'hui renommé le Trois 14, un bar lausannois qui, par chance, ne propose que ses bières de prédilection. Elle apprend à mieux les connaître et à les conseiller aux clients. Ici déjà, son statut de femme lui porte préjudice. "Beaucoup d'hommes ne me prenaient pas aux sérieux quand je leur conseillais telle ou telle bière. Ils pensaient que je n'étais pas capables de comprendre leurs goûts, alors que j'avais déjà une bonne expertise à l'époque."

Par la suite, ses pas la mènent vers la Brasserie du Chauve à Marly, aujourd'hui définitivement fermée, où elle brasse et embouteille la bière. Là aussi, sa féminité la met à plusieurs reprises dans l'embarras. "Quand des visiteurs arrivaient, ils ne m'adressaient pas la parole, pensant que c'était uniquement mon collègue qui brassait. Pire, quand j'animais des visites pour expliquer aux gens le processus de fabrication, il arrivait que certains hommes m'expliquent comment on faisait de la bière. Un non-sens total."

Reprendre sa chope en main

A la suite d'un burn-out, Camille Spühler décide de continuer dans la bière, mais selon ses propres conditions. Souhaitant partager ce qu'elle a appris, la jeune femme commence à organiser des dégustations en 2020. Un projet dont le nom sera "Birragusta". D'une durée de deux heures, elles accueillent dix participantes au maximum. Pour que personne ne soit perdu, Camille Spühler distribue des supports pédagogiques qu'elle a elle-même rédigés. Ainsi, ses invitées peuvent plus facilement comprendre les différents styles de bières et leurs arômes. La robe, la mousse, le parfum et le goût sont analysés, discutés, débattus. "C'est un espace dans lequel chacun et chacune peut s'exprimer, poser des questions et surtout, se tromper."

Grande particularité de ces dégustations: la majorité sont en non-mixité choisie. En l'occurrence, les hommes cis, ceux qui se définissent par le genre qui leur a été attribué à la naissance, ne sont pas admis. Un choix que Camille Spühler assume sans sourciller. "Je sais que tous les hommes cis ne sont pas adeptes du patriarcat, mais cela reste une catégorie sociale qui profite de ses privilèges, même inconsciemment. Et malheureusement, quand ils sont majoritaires, j'ai constaté que cela n'offre pas d'espaces assez sécurisants pour les femmes dans leur apprentissage."

La jeune femme tient à souligner qu'elle organise aussi des dégustations dans lesquelles les hommes cis sont les bienvenus. Elle espère d'ailleurs que ces évènements en non-mixité choisie ne seront que temporaires et qu'un jour, il sera possible que tout le monde puisse venir sans que personne ne se sente bridé. La prochaine dégustation aura lieu le 1er décembre prochain. L'inscription est possible sur le site internet de Birragusta.

Frapp - Dimitri Faravel
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