États-Unis: la science sous tension jusqu'en Suisse

Les coupes annoncées par Trump dans la recherche suscitent l'inquiétude jusqu'en Suisse. Analyse avec un professeur fribourgeois à New York.

"Trump pense que les universités américaines sont un lieu pour la gauche radicale et certaines idéologies qui mettent en danger la grandeur américaine." (image d'archive) © KEYSTONE

Fin février, les autorités américaines annonçaient une réduction significative des financements alloués à la recherche. Une décision aux conséquences directes sur les chercheurs, qui voient leurs projets limités, voire annulés. Pour certains, il s'agit d'une manière de restreindre la liberté académique, potentiellement dangereuse pour le pouvoir en place.

"Trump pense que les universités américaines sont un lieu pour la gauche radicale et certaines idéologies qui mettent en danger la grandeur américaine", analyse le sociologue et historien fribourgeois Benoît Challand, enseignant à New York. Il dénonce le manque de réaction claire des universités américaines, par crainte de représailles. "Chaque université essaie de se sauver en évitant le courroux de Trump. Mais au final, cela va complètement éliminer la liberté académique."

Une attaque contre l'égalité?

Benoît Challand met en lumière la dimension historique de ces coupes budgétaires. "Il y a un aspect important par rapport à l'histoire du département d'éducation. Une partie de cette administration fédérale a été créée sous Lyndon Johnson dans les années 60, qui avait pour mission de garantir l'égalité des chances après le mouvement civil de Martin Luther King."

Le Fribourgeois dénonce une attaque "maccarthiste" contre les fondements de la société américaine et les progrès réalisés en matière d'égalité. Il alerte également sur l'utilisation potentielle de l'intelligence artificielle pour profiler et cibler certains chercheurs.

Des conséquences en Europe

Ces coupes budgétaires ne se limitent pas aux États-Unis. Elles ont un impact sur la collaboration internationale, notamment pour l'Université de Fribourg et d'autres institutions suisses.

"Un bon nombre de projets sont actuellement gelés avec les États-Unis. On risque effectivement d'avoir des soucis dans le futur", explique Katharina Fromm, rectrice de l'Université de Fribourg. Elle parle notamment de projets avec la NIH ("National Institutes of Health"), l'agence américaine qui finance la recherche en santé et qui a des partenariats avec l'Adolf Merckle Institut et même le CERN à Genève. "C'est assez dramatique", regrette-t-elle.

La fuite des cerveaux américains vers des pays plus accueillants a déjà commencé. Bien que l'UniFr n'ait pas encore reçu de demandes, Katharina Fromm indique que l'institution pourrait étudier les candidatures, à condition d'avoir des postes disponibles et l'argent pour les soutenir.

La Suisse face à la compétition

Dans ce contexte, la Suisse doit faire face à une compétition accrue pour attirer les meilleurs chercheurs. Le Conseil fédéral envisage cependant de réduire de 10% le financement du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et d'Innosuisse.

"D'un côté, c'est un paysage qui devient de plus en plus compétitif. Et de l'autre côté, ça veut dire qu'il faut aussi trouver des partenariats stratégiques, des collaborations au-delà de notre université, que ce soit des universités suisses ou internationales, avec qui on peut collaborer davantage", souligne Katharina Fromm.

L'UniFr reste ouverte à l'accueil de chercheurs étrangers, notamment grâce au retour de la Suisse dans le programme Horizon Europe, qui pourrait faciliter l'obtention de bourses. Pour l'instant, aucune candidature n'a été reçue.

RadioFr. - Sarah Camporini / Adaptation web: Mattia Pillonel
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