De plus en plus nombreux, les corbeaux dérangent à Fribourg

Depuis son immeuble du quartier Beaumont-Vignettaz à Fribourg, la vue est belle. Samuel aimait souper sur son balcon. Mais depuis plusieurs mois, il a renoncé. Il n'ouvre plus non plus les fenêtres quand l'air est doux. Le bruit des corbeaux freux lui est trop pénible.

A ce point-là? "Les oiseaux sont extrêmement bruyants. Et ils sont très nombreux, surtout quand ils se réunissent au lever du jour et au crépuscule. On ne se rend pas compte à quel point ça peut déranger tant qu'on n'y est pas confronté." Des colonies de corbeaux sont installées sous ses fenêtres depuis deux ans. Sur les 1'000 couples de corbeaux freux qui vivent dans le canton, la moitié niche dans le Grand Fribourg.

Certaines colonies reviennent nicher au même endroit d'une année à l'autre, d'autres pas. Impossible de savoir exactement pourquoi. En revanche, on sait pourquoi ces croassements peuvent autant irriter. "Les mesures acoustiques montrent que les corbeaux freux font moins de bruit qu'un camion par exemple. Par contre, ce bruit rugueux et répété est perçu par l'oreille de façon plus désagréable", explique Adrian Aebischer, biologiste au sein du Service des forêts et de la nature du canton de Fribourg. Même si certains habitants tolèrent ces oiseaux sans problème.

Peur maladive des oiseaux

Collaboratrice d'une fiduciaire située au fond du boulevard de Pérolles, à côté d'immenses arbres où nichent aussi des corvidés, Sabrina confirme: "Quand on a les fenêtres ouvertes l'été, le bruit prend le dessus sur la concentration. On n'entend plus que ça! J'ai des collègues qui s'en plaignent régulièrement." Mais pour elle, ce n'est pas le bruit qui est le plus dérangeant, mais les fientes sur les voitures. "Plusieurs fois par semaine, je dois la nettoyer!" En plus, Samuel pointe du doigt les poubelles éventrées par les oiseaux.

Dans le quartier du Schoenberg, Emmanuelle a "une peur maladive" que des corbeaux ou des corneilles viennent nicher près de chez elle. Crainte des nuisances, ou ombre du film de Hitchcok, peu importe. Elle tremble. Pour l'instant, les oiseaux se rassemblent matin et soir à quelques centaines de mètres de son logement et tournoient dans le ciel avant de rejoindre leurs dortoirs aux Neigles. Elle a interpellé les autorités fribourgeoises sur l'augmentation des effectifs.

Plus de corbeaux freux dans l'Agglo

Alors que les corbeaux freux étaient rares il y a 50 ans, leur population a fortement augmenté dans le canton - comme ailleurs en Suisse - depuis les années 1990, avant de se stabiliser depuis 2015. La répartition géographique varie d'année en d'année. Le nombre de corbeaux freux par exemple a grimpé dans l'agglomération fribourgeoise en 2021 et 2022, même s'il a diminué dans le même temps en Sarine, d'après le service des forêts et de la nature du canton. 

Quant aux corneilles, leur population a probablement légèrement augmenté, mais elles sont plus difficiles à dénombrer, étant donné qu'elles ne forment pas de colonies.

Alors que faire pour éviter les nuisances provoquées par corbeaux et corneilles dans les villes? "Quand une colonie s'installe tout près des habitations, il est extrêmement difficile de la déloger", souligne Adrian Aebischer. Car les corvidés sont intelligents. 

Certes, plusieurs méthodes existent pour les effrayer. Elles ont été testées par le passé. Par exemple, taper sur des planches pour imiter le bruit des tirs plusieurs soirs de suite, ou les éblouir avec de l'aluminium. L'an dernier, la ville de Fribourg a fait appel à un fauconnier pour tenter d'intimider les corbeaux avec des rapaces. Par le passé, à Berne, des hiboux grand-duc - prédateurs naturels des corbeaux - empaillés qui battent des ailes ont été installés dans les arbres. A Genève, des serpents en plastique ont même été placés dans les nids pour simuler une attaque. 

Mais il n'y a pas de résultat probant, conclut Adrian Aebischer: "Certaines fois, ça marche, d'autres pas. Dans certains cas, ces mesures ont permis de réduire la taille de la colonie. Mais il n'y a rien de systématique. Et le plus souvent, les corbeaux finissent par s'habituer. Ils constatent que le danger, finalement, n'est pas si important. Et peuvent revenir au même endroit, au bout de quelques jours, ou s'installer quelques centaines de mètres plus loin."

Certaines pratiques fonctionnent en revanche souvent: enlever les nids des années passées qui se trouvent dans les arbres à une quinzaine de mètres de hauteur ou couper les branches de ces arbres. Mais là encore, il n'y a rien de systématique.

Le canton écrit d'ailleurs régulièrement aux communes concernées pour les tenir au courant des méthodes qui existent et de leur efficacité dans la lutte contre les corvidés, afin qu’elles puissent anticiper. Car les interventions doivent se faire avant le début de la période de reproduction. Le biologiste le rappelle: les corbeaux freux et les corneilles restent une espèce protégée aujourd'hui, que l'on ne peut pas chasser entre le 15 février et le 1er septembre.