Discours choc d'un humanitaire sur Gaza

"Allez-vous agir, de façon décisive, pour empêcher un génocide" à Gaza?, a lancé mardi le chef des opérations humanitaires de l'ONU aux membres du Conseil de sécurité. Selon lui, les conditions imposées par Israël dans le territoire palestinien sont "inhumaines".

Selon le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Israël impose délibérément et sans la moindre gêne des conditions inhumaines aux civils de Gaza (archives). © KEYSTONE/AP/MOHAMMAD ABU SAMRA

"Israël impose délibérément et sans la moindre gêne des conditions inhumaines aux civils du territoire palestinien occupé", a décrit Tom Fletcher dans un discours choc et sans concession visant Israël mais aussi le Conseil de sécurité.

"Je peux vous dire, pour avoir visité moi-même ce qui reste du système de santé de Gaza [avant la fin du cessez-le-feu, ndlr] que la mort à cette échelle à un son et une odeur qui ne vous quittent pas, comme une infirmière l'a décrit: 'Des enfants qui crient pendant qu'on arrache le tissu brûlé de leur peau'".

"Nous avons informé ce conseil en détail sur le mal fait de façon extensive aux civils dont nous sommes témoins chaque jour: mort, blessure, destruction, faim, maladie, torture, autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, déplacements répétés à large échelle", a-t-il ajouté. "Nous avons décrit l'obstruction délibérée des opérations humanitaires et le démantèlement systématique de la vie des Palestiniens et de ce qu'il en reste à Gaza".

"Pour les morts et ceux dont les voix sont réduites au silence, de quelles preuves supplémentaires avez-vous besoin? Allez-vous agir, de façon décisive, pour empêcher un génocide et assurer le respect du droit humanitaire international ou direz-vous à la place: 'Nous avons fait tout ce que nous avons pu'?".

"Faim" comme "monnaie d'échange"

La Cour internationale de justice est saisie d'une accusation de génocide contre Israël, "mais ce sera trop tard", a-t-il prévenu. "Pour ceux qui ne survivront pas à ce qui, nous le craignons, se profile à la vue de tous, ce ne sera pas une consolation de savoir que les générations futures nous tiendrons nous, dans cette salle, pour responsables", a-t-il encore lancé.

Après 18 mois de guerre entre Israël et le Hamas, provoquée par l'attaque du mouvement palestinien contre Israël le 7 octobre 2023, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a annoncé que l'armée entrerait "avec toute [sa] force" dans les jours à venir dans la bande de Gaza dévastée et assiégée.

Après deux mois de blocage de l'entrée de l'aide humanitaire, le territoire est confronté "à un risque critique de famine", selon le rapport IPC (cadre Intégré de classification de la sécurité alimentaire), publié lundi.

Dans ce contexte, Tom Fletcher a une nouvelle fois rejeté les propositions pour réautoriser l'entrée de l'aide avancées par Israël depuis quelques semaines et reprises en partie, selon des sources diplomatiques, par le projet américain de création d'une fondation pour prendre en charge cette aide humanitaire.

"Cela fait de la faim une monnaie d'échange. C'est un spectacle cynique, une distraction délibérée, un prétexte pour plus de violence et de déplacements", a-t-il dénoncé.

Principes humanitaires

Le système, dont les détails n'ont pas été rendus publics et au sujet duquel des responsables de l'ONU ont rencontré "12 fois et encore aujourd'hui" les autorités israéliennes, "exclut quasiment de nombreuses personnes y compris handicapés, femmes, enfants, personnes âgées et blessées", a-t-il assuré.

"Nous sommes très inquiets concernant les propositions d'établir un nouveau mécanisme pour la fourniture de l'aide, qui, selon l'ONU, ne respecte pas les principes humanitaires", ont également estimé dans une déclaration commune cinq membres européens du Conseil de sécurité (France, Royaume-Uni, Slovénie, Grèce, Danemark). "L'aide humanitaire ne doit jamais être utilisée comme outil politique ou tactique militaire".

L'ambassadeur israélien à l'ONU, Danny Danon, a rejeté des accusations "sans fondement et scandaleuses" contre son pays.

"L'ONU veut préserver le cadre humanitaire qui sert le Hamas, un système qui nourrit les terroristes pendant que les civils et les otages meurent de faim", a-t-il ajouté.

ATS
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