Emmanuel Macron chahuté
Après des heurts matinaux entre forces de l'ordre et agriculteurs au Salon de l'agriculture de Paris, le président français Emmanuel Macron a inauguré samedi l'événement avec quatre heures et demie de retard, après avoir débattu avec plusieurs syndicats.
Le plus grand salon agricole de France, qui doit accueillir 600'000 visiteurs en neuf jours, a finalement été inauguré par le président en début d'après-midi.
"Macron démission", "fumier", "barre-toi", ont entendu notamment des journalistes de l'AFP au moment où le président a officiellement coupé le ruban, donnant le coup d'envoi de ce salon tendu, marqué par la crise agricole.
Comme il l'avait promis, le président a commencé à cheminer dans les allées en prenant le temps de continuer à dialoguer avec des agriculteurs et des exposants.
Dans une salle sécurisée, M. Macron avait auparavant recueilli les doléances d'agriculteurs de trois organisations syndicales, la FNSEA, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale, dont les membres aux bonnets jaunes avaient participé à des bagarres un peu plus tôt avec le service d'ordre du salon.
"Le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification", s'est-il défendu, veste tombée.
"Je préfère toujours le dialogue à la confrontation", a asséné le chef de l'État, ajoutant: "il faut que le salon se passe bien parce que pour vos collègues, c'est parfois des mois, voire des années de boulot. Ils sont montés avec leurs bêtes, avec leur travail pour le montrer".
"La ferme France reste forte, c'est faux de dire qu'elle est en train de se casser la gueule", a-t-il aussi affirmé, au bout de trois quarts d'heures d'un questions-réponses improvisé.
Pagaille générale
Le calme est grandement revenu dans le pavillon principal du salon, celui où vaches, cochons et chèvres sont exposés, qui a ouvert au public en fin de matinée permettant aux familles d'aller caresser les bêtes.
Des centaines de manifestants exaspérés y étaient entrés en forçant une grille vers 8h00 locales, une heure avant l'ouverture officielle prévue, et se sont affrontés au service d'ordre du Salon.
De nombreux policiers ont ensuite été déployés à l'intérieur et les manifestants ont pu être contenus, dans une ambiance de sifflets et huées assourdissants.
"Macron démission!", "la chasse au Macron est ouverte!", "il est où?" ont crié certains agriculteurs.
Le président commençait au même moment sa journée par un petit-déjeuner avec les dirigeants de syndicats agricoles, dans une pièce d'où il n'entendait pas les sifflets.
Il a fait plusieurs annonces aux syndicats qui restent à préciser, dont la création d'un "prix plancher" pour mieux rémunérer les agriculteurs, un recensement des exploitations nécessitant des aides de trésorerie d'urgence, et l'inscription dans la loi que l'agriculture et l'alimentation représentent "un intérêt général majeur de la nation française."
"Poser le mot sur le concept de prix plancher est déjà une petite révolution", a salué auprès de l'AFP la porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat opposé à l'agriculture intensive, Laurence Marandola.
Tradition
Les présidents français passent généralement des heures, voire la journée entière, au Salon, et les incidents ne sont pas inhabituels. Nicolas Sarkozy avait lancé "Casse-toi, alors, pauvre con!" en 2008 à un homme qui refusait de lui serrer la main. François Hollande s'était fait huer et insulter par des éleveurs en 2016.
La crise, qui couvait depuis l'automne, a explosé à partir du 18 janvier, menant à deux semaines de blocages d'autoroutes, finalement levés le 1er février.
Les adhérents des syndicats majoritaires, surtout dans les grandes cultures céréalières, avaient été furieux d'apprendre vendredi que la présidence française avait cité le collectif écologiste radical des Soulèvements de la Terre parmi les possibles participants à un "grand débat" samedi voulu par le président, finalement annulé devant la bronca.
Visiblement en colère, Emmanuel Macron a affirmé samedi n'avoir "jamais songé initier" une invitation à ce collectif que le gouvernement a échoué à dissoudre.