"Prendre congé du public sera un moment émouvant"
Le Musée gruérien vit ses derniers jours avant les travaux de rénovation et d'agrandissement. Interview du conservateur Christophe Mauron.
Le musée gruérien va fermer pour deux ans. C'est un peu les vacances pour un conservateur?
Christophe Mauron: C'est ce qu'on pourrait imaginer en vue de l'extérieur, mais ce ne sera certainement pas le cas parce qu'avec ce grand chantier qui s'ouvre, il y a des enjeux importants pour le musée. Je dirais que celui qui nous occupe et nous préoccupe un peu le plus actuellement, c'est la protection des collections.
Après la fermeture, dimanche, il faudra vider les 1000 mètres carrés, notamment de l'exposition permanente. A quoi ressemblera ce processus?
On a 1200 objets dans cette exposition permanente. Il va falloir les sortir des vitrines, les mettre en caisse ou les emballer. Ensuite, les déplacer dans une autre réserve qu'on va aménager dans le musée pour les protéger pendant toute la durée des travaux. Le but, c'est qu'à la fin du chantier, on puisse présenter à nouveau cette exposition permanente, mais dans une version qui sera différente de celle que le public aura quittée en 2025.
Quels sont les défis principaux quand on stocke des objets anciens?
Le climat. Au musée, on conserve entre 1,5 et 2 millions de photographies. Pour la plupart, ce sont des négatifs. Ce sont des supports qui sont très sensibles au changement d'humidité. La réserve où on les conserve est à 17 degrés et 45% d'humidité relative. Il faut que ça reste stable, sinon on met ce patrimoine en danger. On a imaginé déjà des solutions avec des hébergements dans d'autres institutions pendant la durée des travaux.
Et le reste, ça restera dans le musée?
Pour l'essentiel des collections, il vaut mieux les garder sur place parce que c'est un chantier particulier. C'est surtout une grosse charpente qu'on va poser sur un bâtiment existant en béton. Il n'y a pas de grosses excavations, il n'y a pas de gros travaux sur le béton existant. Donc, on part du principe qu'on peut conserver quand même, je dirais, 80% des collections sur place.
Avant la fermeture, dimanche, le musée va proposer une journée spéciale. Quel sera le programme?
Oui, ça sera un moment assez émouvant, évidemment, puisqu'on va prendre congé du public pendant deux ans. On a prévu un programme pour les familles le matin, "Bébé au musée". C'est une animation qui a été inventée par les amis du musée et qui invite les familles à accompagner les plus petits au musée avec des activités qui leur sont destinées. L'après-midi, un programme en trois volets, avec quelques discours quand même car c'est un moment important pour la ville, pour la Gruyère, pour le canton de Fribourg et pour notre institution. Le photographe Daniel Pittet, qui présente encore jusqu'à dimanche son exposition "Les esprits de la montagne", sera là aussi pour partager, et échanger avec le public. Pour conclure, la violoncelliste Sara Oswald donnera un concert avec de nouveaux morceaux.
A quoi va ressembler le musée gruérien dans deux ans?
Il va se déployer sur toute la surface du sous-sol. Actuellement, c'est un peu comme un iceberg, avec un sous-sol très large avec des expositions, des réserves, et un rez-de-chaussée plus modeste. On va doubler la surface d'accueil du public au rez-de-chaussée. Du côté musée se trouvera une grande exposition temporaire et gratuite sur un peu plus de 100 mètres carrés, une cafétéria et des infrastructures du côté de la bibliothèque. Il faut se rendre compte qu'on a actuellement 200'000 passages chaque année pour la bibliothèque, donc je pense qu'on pourra enfin les accueillir dignement, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
En fermant la porte dimanche, qu'est-ce qui va le plus vous manquer?
Je pense le contact avec le public. À l'inverse, je me réjouis qu'on puisse entrer dans le vif du sujet et attaquer ce chantier. Le référendum n'était pas une période facile pour l'équipe du musée. Donc, on se réjouit de pouvoir aller de l'avant et surtout d'avoir une toute nouvelle offre pour le public à la réouverture.