Les poissons fribourgeois en eaux troubles

Plusieurs eaux du canton sont touchées par la pollution. Il peut même être dangereux de manger les poissons qui y vivent. Explications.

Truite pêchée dans la zone concernée par les PCB, en aval de la décharge de la Pila, à la hauteur du port, à Marly. © Frapp

Le mois dernier, une étude publiée dans le magazine Environmental Research informait que les poissons des lacs et rivières des USA étaient contaminés avec des polluants "éternels", les PFAS. D'après ce rapport, mené conjointement par les Pays-Bas, l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège, consommer un seul poisson d'eau douce du territoire américain reviendrait à boire de l'eau contaminée durant un mois.

Les PFAS sont des molécules très stables, elles ont des propriétés très utiles. On les retrouvait notamment dans des produits pour combattre le feu, des textiles ou des emballages. Mais la plupart de ces substances sont très toxiques.

Fribourg n'y échappe pas

L'an passé, le Canton lançait sa première campagne de dépistage des PFAS dans les eaux de la région. 23 échantillons ont été prélevés dans des lieux connus pour être pollués: des décharges, des sites industriels, une ancienne place d'exercice des pompiers et deux endroits ravagés par des incendies, où de grandes quantités de mousse anti-incendie ont été utilisées.

De l'eau a encore été recueillie dans trois captages d'eau potable exposés à cette pollution, selon le Service de l'environnement. De nouvelles analyses seront effectuées ce printemps, les résultats seront communiqués dans le courant de l'année. Des mesures sont également en cours au niveau national dans les sols et les aliments. En fonction des résultats, de nouvelles restrictions ou recommandations pourraient être prises. À noter que la toxicité de ces molécules est actuellement réévaluée au niveau mondial.

Un problème similaire

Dans le canton de Fribourg, c'est la pollution aux PCB qui représente un danger non seulement pour les poissons, mais également pour les humains qui les consommeraient. Les PCB, ou polychlorobiphényles, sont des substances polluantes difficilement dégradables utilisées à l'époque dans le domaine de la construction. Malgré l'interdiction générale de leur utilisation en 1986, les dernières analyses, datant d'il y a quelques années, ont montré qu'ils étaient encore présents dans l'environnement dans les secteurs suivants:

  • La Sarine en aval du lac de Schiffenen, jusqu'au bassin amortisseur du barrage de Rossens
  • La Glâne, entre le barrage de Matelec (Sainte-Apolline) et le pont de la route cantonale en amont de Romont (Beauregard)
  • la Gérine, de son embouchure dans la Sarine, jusqu’à la confluence avec le ruisseau du Copy, près du site du MIC.
  • Le lac de Schiffenen
  • Le lac de Pérolles
Site de l'ancienne décharge de la Pila. Crédit photo: KEYSTONE

Entre 2007 et 2016, des analyses ont été effectuées sur certains poissons prélevés dans des secteurs de la Sarine, la Gérine et la Glâne. "On a constaté qu'ils avaient une teneur en PCB supérieure à ce qu'autorise la législation suisse", explique Xavier Guillaume. "Sur ces sites, la contamination de l'eau s'est faite via des PCB de type dioxine, en provenance de la décharge de la Pila", précise Xavier Guillaume.

Les PCB ont en commun avec les PFAS le fait d'être très stables. Ces agents vont donc se dégrader naturellement très lentement. Leur mobilité dans l'eau et dans les sols représente aussi un problème au niveau de la propagation de la pollution.

C'est leur présence dans nos lacs et rivières qui intoxique les poissons, les rendant impropres à la consommation par l'humain. Aussi l'État de Fribourg a-t-il pris des mesures afin de limiter le risque d'intoxication aux PCB.

Restrictions cantonales

Ainsi, il est interdit de donner ou vendre des poissons prélevés dans certains tronçons à des tiers. Le Service du médecin cantonal donne par ailleurs des recommandations pour la consommation personnelle de ces poissons.

Pour les femmes en âge de procréer, particulièrement celles enceintes ou allaitantes, et les personnes âgées de moins de 18 ans, il est conseillé de ne pas consommer de poissons issus des eaux contaminées. Les personnes âgées doivent pour leur part limiter leur consommation en fonction de leur poids et de l'espèce de poisson qu'il y a dans leur assiette.

Pour ce qui est de la truite, il est recommandé de ne pas excéder une consommation de 450g de filet par semaine pour une personne de 80kg. Pour la perche, le brochet ou le sandre, il faut éviter de monter au-delà de 750g pour le même poids.

Répercussions sur la santé

Les molécules en question s'accumulent dans le tissu adipeux ainsi que le lait maternel. "Elles peuvent avoir un effet de perturbation de la régulation hormonale", souligne Xavier Guillaume, Chimiste cantonal au Service de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Ce qui poserait le plus problème, ce serait une consommation régulière de poissons contaminés

Voilà pourquoi il est déconseillé à certaines catégories de gens de consommer des poissons infectés aux PCB. "La toxicité des PCB est principalement due à leur accumulation dans l'organisme", rappelle le chimiste cantonal. "Les effets sont les plus élevés chez les jeunes mamans, les femmes enceintes ou les mineurs."

Cela dit, une consommation ponctuelle d'un aliment touché par ces polluants n'aura que peu d'impact sur la santé. "Ce qui poserait le plus problème, ce serait une consommation régulière de poissons contaminés", pointe le Chimiste cantonal.

Frapp - Rémi Alt / Maëlle Robert
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