"Une femme a 95% de chances de s'en sortir après 5 ans"

Bien qu’il soit répandu, le cancer du sein suscite encore beaucoup d'interrogations. Interview de François Volery, oncologue à l'HFR.

François Volery est oncologue à l'HFR. © envato

Frapp: Nous sommes en plein mois d'Octobre rose, le mois de sensibilisation au cancer du sein. En dehors de ce mois, la prévention est-elle suffisante?

François Volery: Pour les patientes âgées entre 50 et 75 ans, je pense que oui. À Fribourg, une mammographie est prévue tous les deux ans. Avec cette tranche d'âge, nous avons réussi à prouver qu'il était possible de réduire le taux de mortalité. La prise en charge a été améliorée, notamment, car le cancer est détecté plus tôt. Le programme de dépistage a été mis en place à Fribourg en 2004, ce qui fait de lui un précurseur. D'autres cantons, comme Zurich, n'en ont toujours pas actuellement. Pourtant, meilleure est la prévention, plus rapide sera la prise en charge.

Au-delà de la prévention, comment est-ce possible de se protéger du cancer du sein?

Il y a des facteurs de style de vie qui contribuent à réduire l'apparition de la maladie. L'une d'entre elles est la pratique régulière de sport. En termes de morphologie, les personnes en surpoids encourent davantage de risques, indépendamment de leur activité physique. L'alimentation saine et la consommation réduite d'alcool peuvent aussi diminuer l'incidence du cancer du sein. Sonder l'historique familial est aussi important. Si plusieurs membres ont contracté un cancer, il faut se renseigner sur les programmes de dépistage.

Pourquoi, selon vous, ne faut-il pas conseiller la mammographie avant l'âge de 50 ans?

Car il s'agit d'un examen qui a ses limites. Il est plus efficace chez les femmes après la ménopause. La glande mammaire s'atrophie et la graisse prend plus de place dans le sein. De plus, cela dépend de la population examinée. Si les recherches sont menées au sein d'une population où le taux de cancer est faible, les efforts seront considérables pour trouver quelqu'un de malade, et de surcroît, pour la sauver. En outre, l'augmentation des contrôles créerait plus de faux positifs. Ces derniers vont parfois jusqu'à l'opération pour se rendre compte qu'ils n'ont rien, ce qui nuit à la prise en charge des personnes réellement malades.

Est-ce galvaudé de dire que, dans la plupart des cas, le cancer du sein se soigne?

Non. Le cancer du sein se soigne de mieux en mieux. Aujourd'hui, une femme diagnostiquée, quel que soit le stade, a 95% de chances de s'en sortir après cinq ans. Le taux de guérison est excellent. À l'inverse, le taux de mortalité du cancer du sein diminue. Ces résultats sont notamment le fruit des recherches et des améliorations constantes. Les femmes concernées ont raison d'être confiantes. Cependant, le combat n'est pas gagné. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit quand même d'une maladie grave.

Dans quel secteur y a-t-il encore des manquements?

Il y a des améliorations à faire partout, mais je mettrais l'accent sur la prise en charge après la fin du traitement. Effectivement, on guérit beaucoup de femmes du cancer du sein, mais on n'arrive pas toujours à leur redonner la même qualité de vie qu'elles avaient auparavant. Des projets sont en cours d'études pour proposer de la réadaptation physique aux patientes pendant les chimiothérapies, avec aussi un suivi en psycho-oncologie, un suivi en nutrition et un suivi social.

Beaucoup de femmes souffrent de ce qu'on appelle les "effets tardifs", c'est-à-dire après les traitements.

Exactement. Les effets tardifs sont malheureusement moins étudiés, bien que nous ayons de bonnes données à ce sujet. Nous savons que dans les deux à six ans après les traitements, environ 40% des femmes souffriront de fatigue, mais aussi de problèmes psychiques, de dépression, d'anxiété ou de douleur. Pour diminuer nettement ces symptômes à long terme, l'activité physique, avec des programmes de réadaptation, est primordiale. On peut accélérer le retour à une vie normale, que ce soit sur le plan psychologique et physique.

Découvrez aussi le premier épisode de notre série de témoignages sur le cancer du sein:

Frapp - Mattia Pillonel / Théo Charrière
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